Le secteur du bâtiment
représente 40 % de la consommation d’énergie et près d’un quart des
émissions de gaz à effet de serre : pour répondre aux défis du
changement climatique, les entreprises du secteur ont un rôle majeur à
jouer. Nous avons posé quelques questions à Carole Thomas, directrice de
la communication de 3F, en charge de la coordination des actions
développement durable du groupe.
Interview
Chez 3F peut-on parler d’un avant et d’un après COP 21 ?
Au moment de la COP21, la question de nos
engagements en matière de développement durable s’est imposée
naturellement et a été tout de suite légitime. Oui, il y a donc un avant
et un après COP21, car comme beaucoup d’entreprises, la COP21 nous a
poussés à dresser un bilan de nos initiatives afin de définir une ligne
plus ferme. Ainsi, notre premier bâtiment à basse consommation a été
construit en 2009 et, dès 2010, cette fameuse norme BBC s’est appliquée à
toute nouvelle mise en chantier, alors que la réglementation ne nous y
obligeait que deux ans plus tard. Autre exemple, dans la région
Midi-Pyrénées, nous avons poussé le photovoltaïque. Finalement, notre
politique développement durable s’est faite au coup par coup, il
devenait indispensable de capitaliser et coordonner toutes les actions
entreprises depuis une dizaine d’années afin de gagner en efficacité.
Comment avez-vous intégré les locataires dans ce processus ?
L’élaboration de la stratégie développement
durable de 3F ne pouvait se faire sans eux ! L’idée d’un site internet
participatif a rapidement émergé, si bien que nous l’avons lancé à
l’occasion de la semaine HLM 2015. La participation a été très bonne,
près de 500 idées ont été déposées par des locataires 3F dans toute la
France. Des idées de bon sens, du pragmatisme et de l’innovation !
Maintenant il faut les exploiter et se retrousser les manches pour
apporter des solutions concrètes. L’élaboration de notre stratégie DD
s’inspire des idées postées sur ce site. Pour donner un retour à nos
locataires, nous avons transformé le site d’appel à idées, en un blog.
Cette forme leur permet de continuer à participer en postant des
commentaires. Et de notre côté, cela permet de commencer à répondre à
certaines idées : par exemple sur la gestion des déchets, l’installation
de composts, nous faisons déjà des choses ! Le blog est aussi
l’occasion de partager des innovations ou des tendances émergentes dans
le domaine de l’habitat durable. Nous l’avons pensé comme un espace de
découverte de nouvelles pratiques, ou d’autres bonnes idées.
Quels sont les grands sujets sur lesquels 3F se positionne aujourd’hui ?
Le premier enjeu, c’est la construction et
la réhabilitation de logements anciens. La spécificité du logement
social, c’est que nous gérons nos logements dans la durée, sur cinquante
ou soixante ans : nous avons encore trop d’immeubles qui ont une
mauvaise performance énergétique. Heureusement il y en a de moins en
moins. 22 000 logements sont en étiquette E, F et G sur les 130 000
logements en Ile-de-France. Un de nos engagements est d’éradiquer ces
étiquettes de notre patrimoine. Nous avons donc identifié des leviers
pour accélérer le rythme des réhabilitations et y arriver d’ici cinq à
dix ans. Sur le patrimoine neuf, l’un de nos premiers engagements est de
systématiser l’intégration d’énergies renouvelables, à hauteur de 30%
du chauffage et/ou de l’eau chaude. L’ambition est de changer la donne
pour les cinquante prochaines années.
Quels sont les autres piliers de la nouvelle politique développement durable de 3F ?
Nous travaillons sur la question de
l’ouverture sur la ville, c’est-à-dire la coopération avec les habitants
et l’intégration dans le tissu économique et social du territoire. Sur
ces sujets, j’ai des convictions personnelles à faire avancer dans
l’entreprise ! Ce qui est intéressant pour un bailleur, c’est que nous
pouvons coordonner la construction et les opérations auprès des
locataires. Les constructions neuves doivent intégrer la préoccupation
d’usages vertueux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et
nous devons nous poser systématiquement une question : est-ce que cela
va permettre une consommation plus responsable de l’eau et l’énergie ?
Si on prévoit une buanderie, les locataires vont avoir naturellement des
comportements responsables et solidaires. Cependant, on ne peut pas
faire de l’habitat participatif partout, ça prend du temps et ce sont de
petits programmes compliqués à mettre en œuvre à plus grande échelle.
Avant toute chose, il faut être en phase avec les préoccupations de nos
locataires. Le premier élément qui les touche, c’est la facture. À nous,
souvent accompagnés de start-up très agiles, de trouver les systèmes
qui permettent de traduire en alertes les consommations excessives des
locataires et de les aider à les réduire.
Les habitants ont souvent des idées très concrètes. Le numérique va nous
aider à les réaliser. Nous allons notamment développer des communautés
numériques pour faciliter l’entraide au sein d’une résidence, d’un
quartier. Nous allons aussi travailler avec les villes sur les questions
de transports, de collecte des déchets, de communication entre les
locataires et la ville, etc.
Vous évoquez aussi la responsabilité de l’entreprise. Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela veut dire que nous nous engageons sur
notre exemplarité au quotidien dans nos fonctionnements internes. Le
chantier phare, ce sont les achats responsables. Il y a des paradoxes
dans nos règles d’achat, qui sont très strictes et pas toujours
cohérentes avec les préoccupations environnementales. C’est en train de
s’assouplir avec la loi énergie 2015, mais il est difficile de se fixer
des critères pertinents sans étrangler nos fournisseurs. Il ne s’agit
pas de mettre en difficulté de très petites entreprises avec de
nouvelles exigences tout d’un coup : il faut accompagner toute la
filière.
3F a défini treize actions prioritaires pour 2016. Pouvez-vous en détailler certaines ?
Il y a une action qui peut sembler banale
mais qui est emblématique de notre métier : intégrer les questions de
développement durable dans les remises en état de logement. C’est
fondamental pour le patrimoine existant, parce qu’il n’y a pas de raison
pour qu’un locataire entre dans un vieil immeuble sans aucune norme
développement durable. Aujourd’hui, quand un locataire s’en va (en
Île-de-France, le taux de rotation est de 8%, en province de 12%), on
fait un état des lieux mais les travaux ne sont pas faits dans une
optique durable. Par exemple, on ne pense pas forcément à la chasse
double flux. Il n’y a pas de bacs sous évier pour faciliter le tri.
Favoriser les éco-gestes du quotidien, c’est souvent là-dessus qu’on
bute. Il nous faut faciliter les actions responsables pour nos
locataires et faire du gagnant-gagnant pour eux.